Némésis de l'Essence

2. Mode de vie

Le Temps du Rêve n’est accessible à la plupart des mortels qu’à la faveur de rares songes et pour finir, lorsqu’ils trépassent en s’abandonnant aux lois de leurs créatures dans les diverses portions d’enfer et de paradis que ces dieux y ont aménagées pour les soumettre à jamais.
Ce n’est pas le cas des Maîtres de l’Essence pour lesquels s’offrent plusieurs stratégies permettant d’atteindre délibérément cette dimension hors de l'espace visible.
Tout d’abord, certains lieux ont un pouvoir de rêve : ce sont des haltes sur les pistes sacrées tracées jadis par les Ancêtres. Découvrir ou connaître ces puits d’hybris c’est trouver un accès privilégié au Temps du Rêve.
Un autre moyen de franchir la porte du Temps du Rêve est l’usage du narguilé. Non seulement inhaler l’enthéogène favorise le rêve de l’initié mais encore la fumée plaît aux Arcanes et constitue, en outre un appât irrésistible pour les esprits défunts, témoins invisibles auxquels nul évènement du monde des vivants n’échappe. C’est ainsi que les Maîtres de l’Essence puisent dans la mémoire des hôtes de l’au-delà, de précieuses révélations qui sont comme des présages pour qui sait les interpréter.
Ces incursions dans la dimension onirique conditionnent donc la plupart des déplacements d’un Clairvoyant qui doit rechercher constamment les signes lui indiquant où se situent les puits d’hybris pour s’y arrêter ou s’y établir. Elles servent également à déterminer par la traduction des présages, le moment ou un choix doit être fait et une action entreprise. Ce moment du choix qui marque bien sûr toutes les étapes décisives de transformation de l’être et des changements de voie tout au long du parcours d’un Maître qui, dès lors a préparé toutes les conditions pour la réussite de son projet.

Le genre humain ne peut se satisfaire de vivre dans un monde qui est le reflet de sa propre imperfection et si les hommes ont construit l’univers avec des rêves d’amateur, ils ont le devoir et c’est aussi leur droit naturel, de l’améliorer par degrés comme on répare les brèches d’une muraille. Ce n’est qu’à ce prix qu’ils réaliseront non pas l’immortalité de l’individu mais celle de l’humanité.
Les Maîtres de l’Essence savent que pour atteindre ce but ils doivent favoriser les conditions qui permettent aux humains :

de regagner l’amour de soi, la dignité qui leur fût enlevée au nom d’une morale d’esclave laquelle transforma leurs désirs de se distinguer en sacrilèges pour mieux les asservir.

de retrouver le courage et les passions qui sont à l’origine de toute inventivité

d’entretenir au sein même de l’humanité la diversité naturelle leur permettant de veiller les uns sur les autres et de créer une véritable éthique

Dans cet esprit, Ils luttent pour l’avènement de l’égalité des hommes. Ils traquent les lois qui prétendent réserver à une petite élite le savoir et ne servent qu’à la défense des privilèges. Ils dénoncent en particulier les fausses valeurs produisant l’obéissance aveugle des peuples qui ont perdu l’esprit de liberté et tout amour propre.

Les maîtres de l’Essence aiment tout ce qui exalte leur sens. Pour eux, les passions humaines ne constituent pas un frein au développement de la société. C’est au contraire dans leur renoncement prescrit par des ruses divines qu’on observe stagnation historique et déni d’un idéal de perfectionnement. Voilà pourquoi, ils bannissent de leur mode de vie toute notion de juste-milieu dans leurs penchants évitant un retour à l’état immobile et indifférencié du néant

Ils proclament que les humains doivent exprimer leur singularité pour être enfin capable d’interpréter différemment leurs propres lois et d’en extraire le meilleur
Ainsi ils regarderont toujours avec mépris comme Calliclès celui qui considère sans aucune passion l'expansion du monde, demeure sans vouloir, et s’abstrait dans l’art du non-vivre prêché par de nombreux égrégores en ignorant que l’humanité est la mesure de toute chose.
Pour nous disent-ils, il ne s’agit pas de penser notre salut ni d’être jugés, récompensés ou punis mais de savourer La Création car à quoi sert à l’homme de sauver son âme s’il vient à perdre le sel de l’existence ?

3. Les Moïras

Moïra du Fort :

Si l’on a coutume de dire que « le guerrier de l’Essence est comme la fleur du cerisier » c’est parce que la comparaison illustre parfaitement le destin de celui-ci. En effet cette fleur qui ne vit que trois jours, périt au moment précis de son complet épanouissement et tel est le guerrier de l’Essence qui réalise pleinement son existence au cours de son dernier combat.
Qu’il soit soldat ou mercenaire il s’interdit toutes les joutes qui ne seraient pas au services des Arcanes. Son engagement est porté sur un parchemin qu’il doit signer de son sang et brûler puis il en recueille les cendres qu’il dissout dans un breuvage et absorbe face au clan.
Il s’inspire dans l’art du combat des danses de corroboration de son esprit tutélaire et doit suivre une éthique qui considère qu’un duel parfaitement mené élimine l’adversaire au premier coup porté car les blessures et souffrances infligées lors d’un affrontement ne résultent que d’échecs. En outre elles déchirent et offensent la Conscience Universelle.

Moïra du Fervent :

Au-delà de l’accomplissement de soi, le Fervent de l’Essence ne peut rester dans l’indifférence du sort de ses frères aussi travaille-il inlassablement à l’avènement d’une humanité souveraine. Dans cette voie, tout est mis en œuvre pour rallier les foules à redécouvrir le pouvoir des Arcanes et sauver ainsi le plus d’âmes possible de la destruction. Le Fervent donne à voir l’exemple de son accomplissement mais son devoir premier est de s’attaquer aux causes du fléau qui afflige la société : l’irréparable perte de la dignité humaine sous le joug des doctrines totalitaires qui uniformisent les êtres. La prédication est donc une nécessité impérieuse que le fervent doit s’épuiser à répandre en flux continu de tout temps et en tous lieux.

Moïra du Sage :

Percer les énigmes du monde c’est retrouver dans la nature la trace du génie humain. Le Sage n’a de cesse de chercher dans les formes de l’univers la signature des Arcanes. Ainsi chaque fois qu’il lève un mystère il célèbre son culte.
Les disciplines pratiques telles la médecine, la mécanique, l’optique l’attirent particulièrement en raison de leur pouvoir à réduire les souffrances humaines par de constantes améliorations portées en matière de santé ou de conditions de vie.
Il expérimente dans la coïncidence des contraires, les techniques de décomposition et de recombinaisons des corps. D’ailleurs, ne s’agit-il pas d’un processus ressemblant à celui qui guide le disciple de l’Essence, dans la quête de son propre perfectionnement par transmutations ?
L’invention et la création sont œuvres humaines et le Sage sait que pour changer le monde il suffit de le rêver.

Moïra du Solitaire :

Il délaisse ce qui est inutile, invective, ne respecte aucun usage, dit le vrai que personne n’aime entendre : le Solitaire de l’Essence est en train de s’accomplir devant le regard morne d’une société au bord du gouffre à force d’oubli de soi, de soumission et d’impuissance.
Son dédain des biens et de la position sociale effraie ses contemporains. Son énergie inquiète, c’est qu’il communique constamment avec le Temps du Rêve et peu importe si c’est au prix d’une rupture avec les conventions sociales qu’il se réalise, demain son existence prend fin et son âme se recompose dans une autre aventure mais avant, il lui faut gagner cette partie alors tout doit être dit, tout doit être fait ici - maintenant.


Moïra de l’humble :

Parce que toutes les essences émanent de la Conscience collective, parce qu’elles sont complémentaires et que de leur liaison naît l’infini liberté, l’Humble partage sa connaissance de la vie, non pour briller en société mais juste pour s’acquitter de tout ce qu’il reçut d’autrui.
Il sait que tous les humains sont porteurs du même capital virtuel. Il suffit parfois d’un simple appui pour qu’ils puissent vaincre l’état de misère et d’ignorance en lequel ils sont souvent maintenus par des institutions avides de pouvoir.
Ainsi, comme la lanterne du phare préserve les bateaux d’un naufrage et les ramène au port, l’Humble qui n’aime rien tant que le commerce avec ses semblables cherche toujours, et par son exemple et par ses conseils à favoriser l’étincelle qui permettra à chacun de trouver le sens de sa vie.

Moïra de l’Honnête :

Pourquoi se constituer une clique de fidèles soutiens politiques, garde rapprochée qui trouvera sa récompense dans un conseil dont les postes sont déjà attribués au mépris des compétences si ce n’est par seule soif de pouvoir ?
A quoi sert ce pouvoir et comment garder un cap si on ne sait piloter et si l’on ignore la maîtrise du Kairos ce qui aura pour conséquence d’ étouffer tout désir de participation et de changement ?
L’honnête de la némésis de l’Essence cherchera là aussi un mode de gouvernance qui utilise l’énergie dégagée par l’harmonie des contraires abandonnant à l’histoire les mesures de rétorsion et la multitude de décrets qui ne font que porter atteinte à la liberté des populations sans être réellement efficaces. C’est en associant les capacités de création de tous les êtres que l’humanité grandit.