Arrivée de Clément-Mathieu

Clément-Mathieu était parti de Lourdes, ville béarnaise, ville chérie, tôt dans la matinée bien avant que le soleil se lève. Le soleil se levait de plus en plus tard d'ailleurs et se couchait plus tôt. Chevauchant son fidèle Frison à la robe d'ébène, le chancelier démissionnaire du Béarn avait fait route jusqu'ici lieu. Lieu que lui même ignorait les coordonées.
Il était baptisé aristotélicien, il le savait mais ce qu'il savait aussi, c'est qu'il avait perdu foi en Aristote et Christos. Il ne savait plus ce qu'il devait croire. Les cathares ? Les Averros ? Les Spinos ? Qui ? Il n'aspirait à aucune de ses croyances. Les Cathares, trop rapproché des Aristotéliciens... Les Spinozistes, m'ouais mais non. Les Averroïstes, pourquoi pas les Lions de Juda tant qu'on y est. Il était dans le brouillard spirituel.

De la main ne tenant pas sa canne, il frappa sur une porte les idées, pour une fois, bien en place.

- Y a-t-il quelqu'un ? Adishatz ! Je suis Clément-Mathieu de Wollekje, je viens du midi occidental. Pourrait-on m'ouvrir ? J'aimerais... Il aimerait quoi... J'aimerais m'entretenir avec une personne qui pourrait éclairer mon âme égarée...

Igor, le cerbère des lieux vint la trouver, faute de mieux et entreprit dans son langage singulier dont toutes les voyelles étaient bannies de lui faire entendre qu'un visiteur était au seuil du manoir.
Mais devant la mine abrutie de son interlocutrice il comprit vite que c'était un échec cinglant alors, pour finir il pointa son énorme pouce vers le vestibule pencha la tête et soupira : pfff tsss

Bienvenue étranger
Je suis JandeBohem de Bohême ... et du Berry puis lui indiquant un fauteuil

Prenez donc un peu de repos, le voyage vous a sans doute éprouvé
nous saurons certainement vous éclairer si vous nous dîtes ... où votre âme s'est-elle égarée exactement ?

Patience. La patience qui l'avait menée jusque loin... Elle qui avait tant fait pour lui. La patience... Il l'appréciait fort bien.
Agitation dans les murs du Manoir. La patience avait encore accompli son devoir. Une silhouette vint à sa rencontre. Une bourrasque de vent le décoiffa. Enfin, décoiffa ses quelques cheveux déjà en broussaille. Il ne se fit pas prier pour rentrer dans le bâtiment après avoir salué d'un signe de la tête.

- En effet, fort éprouvant mais j'ai déjà vécu pire avec la Garde Episcopale...

Mot de trop, mot de trop peu... Juste le mot épiscopale le faisait frémir. Tant de souvenirs. Tant de choses faites sans réellement y croire.
Il sourit niaisement en entendant les paroles de son hôte.

- Mon âme... Elle est égarée chez les Aristos... Je sais... Ce n'est pas ici que je dois venir pour ce genre de choses, mais le confessionnal ne servirait à rien car je ne crois plus en Dieu et ses deux Prophètes. Je ne crois plus en l'interpretation de ceux-ci par l'Eglise Aristotélicienne.

Il enleva son bérêt, se caressa son front dégarni et reprit.

- Je pense que d'après ce que j'ai lu dans plusieurs bibliothèques, ce qui me correspond se trouve ici. C'est pourquoi, j'aimerais apprendre en profondeur ces croyances, vos croyances, mes croyances.

Vous semblez en effet profondément remué dans vos certitudes !

Elle s'installa elle-même dans un fauteuil et, les deux coudes posés sur chaque appuie-bras, la tête soutenue par ses doigts, elle dit pensive

Si je comprends bien vous avez perdu la foi aristotélicienne et comment est-ce arrivé ?
Pardon de poser la question sans délicatesse mais, voyez-vous, je crois que le désespoir n’est pas forcément un terreau si propice à l’éclosion d’une conviction éclairée. D’ailleurs tout fervent hybriste honnête ... - heu ! les fervents sont nos clercs - devrait se garder de cultiver avec ce genre de fertilisant.
Alors si vous souhaitez faire votre la croyance en l’Hybris, il vous faudra acquérir sérénité

Ainsi donc, vous avez eût maille à partir avec la garde épiscopale mais pour quels motifs ?

Il leva la tête vers la personne l'ayant invité à s'installer. Il désirait regarder dans son regard, puiser une source de courage.

- J'ai perdu ma Foi, en effet. Comment est-ce arrivé ? Moi-même je ne sais pas. Il eut un sourire amusé. Peut-être après ma première confession... Ou après mon abandon face à l'apprentissage que l'on nous donnait à la Garde sur les Aristotéliciens...

Il s'enfonça dans le fauteuil. Il posa ses bras sur ses jambes et soupira.

- C'est compliqué, j'en suis conscient. Mais je n'ai pas perdu la Foi, enfin si... J'ai perdu la Foi Aristotélicienne, mais l'Homme ne saurait faire autrement que de croire en quelque chose, ou en quelqu'un.

La discussion partait dans un cours de jardinage. Il n'avait pourtant pas la main verte, sauf pour cultiver ses merveilleux légumes.

- Mais qu'est-ce que le bon terreau ? Quand je passais par Rome, j'ai lu des écrits sur l'Union Gavarniste, sur Mme Pouyss et sur Pouyss Junior. J'ai lu une partie de son procès. Au départ, je pensais à la foutaise, la folie. Mais, ces mois passés à réfléchir sur ce qu'était vraiment ma recherche de Bien-Être m'a ouvert les yeux...

Et d'un ton ferme et réfléchi, il prononça ses quelques mots...

- J'aimerais apprendre les bases du culte de l'Hybris.

L’homme n’avait pas un regard insaisissable elle écarta donc pour le moment l’hypothèse qu’il fût un gibier de potence

Il faut d’abord que je vous dise cette chose, notre culte repose sur la donnée fondamentale suivante : l’humanité est à l’origine des dieux. Une fois cette vérité admise, nos bibliothèques pourront comprendre tous les savoirs du monde, rien ne remplacera la formation que le maître dispense à son disciple car … l’enseignement ultime est la maîtrise d’un savoir-être au monde.

Voilà pourquoi, quoiqu’il puisse paraître long et rebutant, le chemin du disciple de l’Hybris transforme la personnalité de ce dernier c’est un profond sillon dans sa conscience bien loin des superficiels séminaires aristotéliciens et voilà pourquoi, également, il doit être accompagné

Passioné, Clément-Mathieu posa son menton dans la paume de sa main.

- L'humanité est à l'origine des Dieux... Je l'ai lu en effet, dans les archives de Rome, archives dangereuses soit-disant. Que l'Homme croit en ce qu'il veut croire... C'est complexe. Mais passionnant !

Un enseignement... Rien de mieux pour établir de véritables fondations. Il reposa sa tête contre le dossie, prit une inspiration et demanda.

- Et comment faire, quelles procédures dois-je suivre pour le chemin du Disciple ?

et bien c'est très simple : il suffit qu'un maître vous choisisse parmi ses aspirants, puis comme disciple. Ensuite votre apprentissage commencera mais cela suppose que vous le suiviez là où il le décidera.
J'espère que vos activités mondaines ne sont pas trop contraignantes !

J'informe le Conseil de votre démarche.
En attendant vous pourrez vous restaurer mais si vous êtes plus curieux qu’affamé, je vous indique la bibliothèque pour consulter les ouvrages traitant des Trois Principes ainsi que le Code.

Clément-Mathieu ne cessa d'affirmer de la tête que quand la dame prononça le mot 'Conseil'. Tant de souvenirs, tant de dégoûts, tant de belles expériences lui ressurgirent à la mémoire. Tout ça à la fois.

- Entendu. J'ai laissé tombé le poste de Chancelier, il y a quelques semaines. Je n'ai plus aucune occupation, je suis prêt à renforcer mes connaissances.

La femme lui proposa de se ravitailler. Quel plaisir pour le Lourdais. Pourtant, l'envie de progresser faisait contre-poids. La gastronomie ou le Savoir ? Réfléction faite, c'est vers la bibliothèque qu'il se dirigea en saluant et remerciant son hôte. Il espérait que, même si le temps qu'il passerait serait occupé, il n'attende pas trop longtemps.