Némésis du Refus

1 Principes généraux

Aussi loin que puisse remonter la mémoire de l'homme, nul évènement n'aura été plus traumatisant, et en même temps plus fondateur que la chute de Oanylone.
Quand se révolta l'entité illégitime, grasse et gorgée de la foi que lui vouaient, fossoyeurs de leur propre destinée, les humains trop naïfs, quand l'entité ingrate et gâtée mordit le bras qui l'avait nourrie à coup de séisme et de tonnerre, quand le voile se déchira et que les rôles s'inversèrent, au sacre de la tyrannie et à l'aube de la peur éclata dans un torrent de mort le vibrant échec de l'hybris.

Aujourd'hui encore, la menace pèse sur le monde, car des inconscients croient. L'autonomie est caprice, et l'entité s'en repaît, elle se vautre en truie dans la boue nourricière de l'hybris, ventousant ses racines phagocytes au plus profond des âmes. Elle existe, pense, l'entité. Elle agit par elle même, pour elle même. Elle s'accroche, piteux parasite, s'agrippant à l'hybris comme le ténia au ventre.

Égoïste, opiniâtre, elle veille à ses seuls intérêts. Elle ne donne pas mais prête, et le croyant vend son hybris, ou prostitue son âme en échange d'un miracle. Elle obéit d'abord, et se montre dolente. Elle est dressée en chienne, mais elle triomphe en louve.
Qui donc accepterait de remettre son destin aux griffes d'un animal sauvage ?

Pendant ce temps à nos pieds se traîne la matière. Elle quémande, implore, prie que nous la saisissions à pleines mains pour la façonner par nous même. Elle hurlerait, si elle le pouvait, et supplierait que nous fassions d'elle le corps de notre imagination, le réceptacle de nos fantaisies, le prolongement du génie humain. Mais le chant de sirène des entités couvre à nos oreilles ce légitime appel. Et l'homme, pantin cosmique au service des tyrans qu'il se forge, se répand en paresse et délègue son art à ces ouvriers mutins.

L'heure est au Refus. Refus d'acheter les trésors qui gisent à nos pieds au prix de notre liberté tandis que nous pourrions nous pencher pour les ramasser. Faible est le pouvoir de l'homme sur la matière, mais éternel le temps dont il dispose pour apprendre, et le jour viendra où, l'humanité ayant à nouveau endossé son destin, s'érigera sur l'escalier des générations successives le prodige du génie humain qui fera pâlir les miracles des dieux comme la lumière des torches au soleil du matin.

La première victime de la purge sera le dieu menteur d'Aristote. Celui là même qui prétend avoir créé l'homme, celui là qui impose à ses géniteurs de le servir sans quoi il détruira le monde, celui qui manifeste en calamités son courroux d'enfant insolent. Il n'y a pas à trembler pourtant, car il tombera d'inanité, et s'évaporera en poussière de souvenirs dès lors que nous nous détournerons de lui. Viendront ensuite ses complices, collègues au panthéon des usurpateurs, ceux qui partagent la mie du pain blanc que les hommes harassés se tuent à produire pour leurs seigneurs bouffis.
Contre les disciples d'Aristote, donc, mais aussi contre tous ceux qui se posent en esclaves en pratiquant l'Hybris, parfois même consciemment, exhumons la liberté créatrice de l'homme du tombeau de l'oubli, refusons de construire notre prison au ciment d'une paresse d'âme mortifère.

Nous croyons en l'homme, en son intelligence, en la capacité de celle-ci de supplanter l'Hybris. Nous croyons en l'autonomie de l'homme, en sa capacité à donner forme lui-même, seul, à ce monde qui l'entoure. Contre l'Hybris liberticide, nous exaltons la raison émancipatrice, contre les genoux râpés des prieurs les mains calleuses des ouvriers qui saisissent le monde, contre les âmes paresseuses sommeillant au remous des berceuses lancinantes les esprits éveillés brodant courageusement le drapeau que plantera l'homme un jour sur son nouvel empire. Contre les promesses putassières d'un devenir doré, nous préférons vivre libres et mourir à jamais.

2. Mode de vie

Les maîtres de la Némésis du Refus se défient des entités. Ils croient en l'hybris, et en son pouvoir créateur, mais refusent de le pratiquer.
L'autonomie est caprice, et les dés sont pipés. L'entité est une excroissance, une boursouflure consciente et véhémente entre l'homme et la matière. La pratique de l'hybris, et l'extériorisation de ce pouvoir créateur façonne des monstres entre les mains desquels nous plaçons nos existences.
C'est un risque que refusent de prendre les maîtres de la Némésis du Refus.

Ils se donnent pour idéal de construire un monde à la mesure de l'homme, où ce dernier pourrait mener seul. Pour cela, ils se promettent tout d'abord de ne jamais tenir compte de la moindre entité. L'homme et la matière doivent être les seuls composants de ce monde en gestation.
Ils ne nient pas l'existence des entités, ils la dénient, et n'en font jamais cas. Pas la moindre pensée, ni la plus petite bride d'importance dont elles pourraient s'abreuver. Un maître de la Némésis du Refus ne se laisse jamais influencer par une morale religieuse, et ne respecte jamais une loi de droit divin. Il ne s'autorise à penser aux entités qu'en une seule situation précise, celle qui le voit affronter un croyant dans une lutte pour le convaincre de revenir à la raison, et ainsi tarir une source d'Hybris.
De même, ils ne fondent aucun espoir en un hypothétique devenir post mortem. Ils ne croient en rien, et c'est à ce néant qu'ils entendent retourner après leur passage à la vie.

Dans cette quête, ils sont guidés par les préceptes du quadruple remède, édictés par Epikouros, et gravés dans la roche par Diogène d'Oenanda :

- Les dieux ne sont pas à craindre
- La mort n'est rien pour nous
- Le plaisir est facile à obtenir
- La douleur est facile à éviter

Le quadruple remède guérit la peur, qui pousse l'homme, effrayé par le monde, titanesque et mystérieux amas de matière en mouvement, à se réfugier derrière l'Hybris pour invoquer un garde du corps. Les maîtres du refus cherchent donc à ne plus avoir peur du monde, à travers la sagesse du quadruple remède. La douleur est toujours supportable, car la mort délivre des tourments excessifs. Or la mort n'est rien pour l'homme qui refuse de remettre son destin en les mains d'une entité, c'est une simple cessation de vie, où ne subsiste pas même un regret de ce qui a été perdu. Dès lors, les dieux ne sont plus à craindre, et leurs récompenses sont vaines, eux qui proposent félicité et jouissance éternelles, car le plaisir est partout pour celui qui sait le trouver.

A présent débarrassés de leur crainte, les maîtres du refus se tournent vers le monde, vers la matière et vers l'homme. Ainsi commence la construction du nouveau monde, révélé à la lueur de l'intelligence de l'homme. Les maîtres de la némésis du refus sont persuadés que la compréhension des mécanismes qui déterminent la matière et l'homme sont la clés vers la maîtrise du monde. Ils consacrent donc leur vie à exercer leur intelligence, à comprendre par leur propre entendement. Ils élèvent la curiosité comme vertu suprême, et se détournent de toute autorité, de tout appel au mystère d'une Création envisagée comme œuvre d'une intelligence supérieure.

3. Les Moïras

Moïra du Fort :

Les maîtres de la Némésis du refus et de la Moïra du fort cherchent avant tout la compréhension et la maîtrise de leur propre matière. Ils se soumettent à des entraînements réguliers et draconiens, visant à augmenter l'efficience de leur corps, en tâchant d'en comprendre et d'en exercer les mécanismes. L'art du Duel est le révélateur ultime de l'intelligence du corps, il suppose une parfaite maîtrise de soi, sur les plans physiologiques et psychologiques, c'est donc lui que privilégient les maîtres de la Némésis du Refus et de la Moïra du Fort. Toutefois, en bon perfectionnistes, ils ne négligent strictement aucune manifestation de leur maîtrise d'eux-mêmes, et se donnent donc pour objectif de maîtriser toute forme de technique, qu'elle soit artisanale, instrumentale, ou sportive.


Moïra du Fervent :

Les Maîtres de la Némésis du Refus et de la Moïra du Fervent sont des éducateurs. Ils tournent leur vie vers le prêche, dans le double but de réfuter les fausses croyances, et de transmettre aux hommes la véritable science, celle de l'esprit autonome. Ils recherchent avant tout des carrières comme le préceptorat, ou s'affirment comme de redoutables polémistes substituant aux fausses vérités les évidences de la science humaine. Ils excellent à théoriser les principes du savoir, de manière à les rendre accessibles.


Moïra du Sage :

Contrairement au Maitres de la Moïra du Fervent, les Maîtres de la Moïra du Sage ne s'intéressent pas à l'enseignement, et négligent la pédagogie pour la recherche pure. Ils se donnent pour objet d'étude la matière, dont ils rêvent de dompter la puissance. Ils organisent pour cela des protocoles expérimentaux plus ingénieux les uns que les autres, mus par leur débordante soif de connaissance. La médecine est également leur voie, de même que l'invention et la technique en général, qu'ils perçoivent comme le seul et unique terrain de validation de leurs recherches. Les Maîtres de la Moïra du Sage ne sont donc pas adeptes des débats et discussions théoriques, ils pratiquent généralement leurs recherches isolés, ou en petite communautés, souvent entourés de disciples.


Moïra du Solitaire :

Les Maîtres de la Némésis du Refus et de la Moïra du Solitaire, considérant que l'exercice de l'intelligence est une conquête, arrachée à la tendance paresseuse de l'esprit qui le pousse à l'hybris, se donnent pour idéal de vie de maintenir en éveil l'esprit de leurs semblables. Ils défient toute forme de convention, et cherchent à surprendre leur entourage par une attitude déplacée invitant à la réflexion. Ainsi, dans ce monde sédentaire, ils sont souvent vagabonds, et ne possèdent généralement rien. Pour eux, le mouvement qui mène vers la connaissance est plus important que les découvertes sur lesquelles il s'arrête. Ils font de l'humour et de l'ironie leur arme maîtresse.


Moïra de l'Humble :

Les maîtres de la Némésis du Refus et de la Moïra de l'Humble tournent leur vie vers l'homme et les relations humaines. De nature sociable, ils n'aiment rien plus qu'une soirée en taverne, où leur amour de la vie en société s'épanouit en toute simplicité. Néanmoins, ils ne négligent pas les enseignements qu'ils tirent de ce contact recherché avec leurs congénères. Ils apprennent beaucoup au contact de l'homme, par le simple fait de se fondre dans une communauté. Toujours disponible pour écouter un semblable, ils apprécient par dessus tout de pouvoir guider les personnes égarées qu'ils rencontrent, leur faisant bénéficier de leur savoir et de leur bon sens, aiguisés par une solide expérience des relations humaines.


Moïra de l'Honnête :

Les Maîtres de la Némésis du Refus et de la Moïra de l'Humble cherchent à percer les rouages si particuliers des mécanismes régissant la vie sociale et politique des individus. Ils font leur domaine d'étude des interactions humaines de toutes sortes, qu'ils cherchent à maîtriser pour bâtir des structures politiques épanouissantes pour chacun. Ils refusent de voir un quelconque fondement religieux au pouvoir politique, judiciaire, ou économique, qui sont l'œuvre du génie humain, que les soldats de la foi jalousent et cherchent à s'attribuer par tous les moyens. Ils militent activement pour la sécularisation du politique.